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la société, la place, que je saurai mériter. Si les gouvernements se trompent et s’égarent encore, je pourrai faire entendre ma voix pour les éclairer. Renonce donc à ton fanatisme sombre ! Le temps n’est plus où cela pouvait sembler nécessaire au salut de la République : une rapide et cruelle expérience a dû nous détromper. Plus de dictateurs hébétés par la rage des proscriptions et des supplices, plus d’hommes ivres de carnage pour nous diriger ! Ayons une république maternelle. Ce ne serait pas la peine d’avoir tant souffert pour n’avoir pas su donner le repos et le bonheur à la France !

CADIO, triste. Henri ! Henri ! vous avez les idées d’un chevalier des temps passés ! vous ne voyez pas que nous sommes encore loin du but où vous croyez toucher. Vous êtes un noble, vous, et peu vous importe le gouvernement qui sortira de cette tourmente, pourvu que votre caste soit amnistiée et réconciliée. Vous êtes si loyal et si pur, que vous croyez cela facile ! Moi, je vous dis que cela est impossible, et que, si vos jeunes généraux se laissent entraîner à la sympathie que leur ont déjà trop inspirée la bravoure et l’obstination des Vendéens, le règne de l’égalité est ajourné de plusieurs siècles ! Voilà ma pensée, mais je ne peux la dire qu’à toi, et toute la liberté dont on me gratifie consiste à me faire tuer dans cette bicoque que je suis chargé de défendre, chacun de mes hommes contre cent !

HENRI. Je vois que cela te préoccupe. Sache que les chouans ne veulent pas nous attaquer, aujourd’hui du moins !

CADIO. Aujourd’hui, il y aura quelque chose de grave, Henri ! Je sens cela dans ma poitrine. (Il le re-