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HENRI. Je ne puis te suivre dans le monde d’idées étranges que tu évoques. J’ai une religion plus humble et plus douce. Je fais Dieu avec ce que j’ai de plus pur et de plus idéal dans ma pensée. Je ne puis le concevoir en dehors de ce que je conçois moi-même. — Tu souris de pitié ? Soit ! Ma croyance a, du moins, de meilleurs effets que la tienne. Tu poursuis la sauvage tradition de la vengeance ; moi, je poursuis le règne de la fraternité, et j’y travaille, même en faisant la guerre, dans l’espoir d’assurer la paix.

CADIO, avec un soupir. Rentrons dans la réalité palpable, si tu veux. Je pense bien que tu apportes ici les idées de clémence de tes généraux. C’est un malheur, un grand malheur ! Moi, je proteste !

HENRI. Briseras-tu ton épée, parce qu’on te défendra de la plonger dans la poitrine du vaincu ?

CADIO. Non ! je sais qu’il faudra revenir à la terreur rouge ou perdre la partie contre la terreur blanche. Jamais les aristocrates ne se rendront de bonne foi, tu verras, Henri ! ils relèvent déjà la tête bien haut ! (Montrant au loin l’escadre anglaise.) Et voilà le fruit des traités ! voilà le résultat du baiser de la Jaunaye ! Je les ai vus à Nantes, ces partisans réconciliés ! Ils crachaient en public sur la cocarde tricolore, et il fallait souffrir cela ! Notre sang payera la lâcheté de votre diplomatie, pacificateurs avides de popularité ! Peu vous importe ! nous sommes les exaltés farouches dont on n’est pas fâché de se débarrasser… Quand vous nous aurez extirpés du sol, vous n’aurez plus à attendre qu’une chose, c’est que l’on vous crache au visage !

HENRI. Voyons, voyons, calme-toi ! tu vois tout en noir. Tu as besoin de me retrouver, moi l’espérance