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pour des vérités, Cadio ? On dit que tu es devenu vindicatif ?

CADIO. Je ne suis pas devenu vindicatif, je suis resté inexorable, ce n’est pas la même chose. J’ai été craintif, on m’a cru doux,… je ne l’étais pas. Je haïssais le mal au point de haïr les hommes et de les fuir. Dieu ne m’avait donné qu’une joie dans la solitude, un verbe intérieur qui se traduisait par la musique inspirée que je croyais entendre, quand mon souffle et mes doigts animaient un instrument rustique et grossier. J’ai rêvé, dans ce temps-là, que je me mettais, par ce chant sauvage, en contact avec la Divinité ; j’étais dans l’erreur. Dieu ne l’entendait pas ; mais j’élevais mon âme jusqu’à lui, et je faisais moi-même le miracle de la grâce. À présent, je sais que Dieu est le foyer de la justice éternelle, et que sa bonté ne peut pas ressembler à notre faiblesse. Il est bon quand il crée et non moins grand quand il détruit. La mort est son ouvrage comme la vie… Peut-être que lui-même vit et meurt comme la nature entière, à chaque instant de sa durée indestructible. Qu’est-ce que la mort ? La même chose pour les bons et les méchants. Ce n’est pas un mal que de mourir. Le malheur, c’est de renaître méchant quand on l’a déjà été. C’est pourquoi il faut faire de la vie une expiation, et vaincre toute faiblesse pour établir le règne austère de la vertu. Le passé de la France a été souillé, il faut le purifier, c’est un devoir sacré. Moi, je n’ai qu’un moyen, c’est de détruire la vieille idole à coups de sabre. J’use de ce moyen avec une volonté froide, comme le faucheur qui rase tranquillement la prairie pour qu’elle repousse plus épaisse et plus verte !