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font les chouans est une protestation outrée, mais sincère, contre le despotisme, qui leur est odieux. Nous avons vu clairement que vous n’étiez pas les plus forts dans le conseil, et que la queue de Robespierre prolongerait indéfiniment notre agonie et celle de la France. Nous nous croyons libres de protester à notre tour et de vous appeler en bataille rangée… Voici le jour ! d’ici, vous pouvez voir dans la plus belle rade de l’Europe, quatorze vaisseaux de guerre qui viennent de battre les vôtres en passant. Ils ont apporté de quoi armer quatre-vingt mille hommes et de quoi en habiller soixante mille…

HENRI, sonnant. Où sont les hommes ?

SAINT-GUELTAS. Craignez de les voir sortir de terre et d’avoir à les compter, monsieur ! Nous sommes maîtres d’une presqu’île qui contient quatorze villages et que ferme une chaussée facile à défendre avec une poignée de soldats et le feu de quelques barques. Que nous importe votre approche, à nous qui commandons ici et dont les forces occupent le pays sur quarante lieues de profondeur ? Et vous autres, vous êtes à peine quinze mille, disséminés par petits détachements de quelques centaines d’individus. Dans ce village, vous êtes deux cents, pas un de plus ! Il ne tiendrait qu’à moi de vous écraser jusqu’au dernier, avant deux heures d’ici !

HENRI. Pourquoi ne l’essayez-vous pas ? Vous vous taisez, monsieur le marquis ? Ma question est indiscrète, mais votre silence est éloquent ! Vous avez vos raisons pour nous épargner, et je les connais. Vous n’êtes pas d’accord avec l’expédition qui menace nos côtes, soit que vous soyez bon juge des fautes qu’elle commet chaque jour, soit, comme j’aime mieux le