Scène VII. — HENRI, LE BRETON.
HENRI. Eh bien, l’ami, c’est vous…
LE BRETON, d’un air riant et ouvert. Moi… qui ?
HENRI. Christin Tremeur, de Pornic ?
LE BRETON. C’est bien moi. Et vous ?
HENRI. Henri de Sauvières.
LE BRETON. Colonel des hussards de la République ?
HENRI. Et vous, chef de contre-chouans en disponibilité ?
LE BRETON. C’est ça. Nous allons souper… ou déjeuner, car je n’ai rien pris depuis vingt-quatre heures, et on a beau être durci à la fatigue et à la la misère, il faut se sustenter quand l’occasion se trouve.
HENRI. Votre couvert était mis, vous voyez ? (Ils s’assoient.)
LE BRETON, découpant l’oie très-adroitement. Doux Jésus ! voilà une belle pièce par le temps qui court, pas vrai ?
HENRI. Oui, pour un pays où règne la disette…
LE BRETON. Oh ! depuis que les chiens d’Anglais lui ont débarqué des vivres, on n’y manque de rien ; mais ça ne durera pas longtemps, allez ! Les distributions sont mal faites, et chacun tire à soi la part des autres, sans compter ceux qui en trafiquent. C’est pas un gaspillage, mon bon Dieu, c’est un vrai pillage ! Ça ne fait rien, profitons-en. Tenez, v’là du fameux vin ! À votre santé !
HENRI. À la vôtre.
LE BRETON. Comment que vous le baptisez, ce vin-là ?
HENRI. C’est du bordeaux de bonne qualité.