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de jalousie, aigrie par le chagrin ; notre enfant n’a pas vécu. Enfin elle a dû nouer à mon insu des intelligences avec nos ennemis… peut-être avec son cousin Sauvières, qui est maintenant, je le sais, auprès de M. Hoche. Je ne l’accuse pas d’infidélité, mais je vois qu’elle est lâche, et je n’entends pas qu’elle aussi déshonore le nom que tu m’as forcé de lui donner.

RABOISSON. J’ai fait pour elle tout ce que je devais, tout ce que je pouvais. Elle a voulu être ta femme, c’est à elle d’en accepter les conséquences. Le jour va paraître, je te quitte. Tu m’as dit ton dernier mot ? Tu ne veux pas te joindre à nous ?

SAINT-GUELTAS. Pas encore.

RABOISSON. Ce n’est ni patriotique ni fraternel. Tu te proposes de venir ramasser nos morts sur le champ de bataille ? J’en serai peut-être ; reçois donc mes adieux.

SAINT-GUELTAS. Sois tranquille, je vous vengerai.

REBEC, frappant à la porte de la cuisine. Ouvrez ! ouvrez !

RABOISSON, allant ouvrir. Qu’est-ce qu’il y a ?

REBEC. Les bleus ! les bleus ! Ils envahissent le village…

SAINT-GUELTAS. Ils attaquent ?… Je n’entends aucun bruit !

REBEC. Non, personne ne leur dit rien. Ils s’installent, et probablement… Tenez, oui, on vient chez moi. Sortez par la cuisine et par la ruelle.

RABOISSON, bas, à Saint-Gueltas. Si tu as cinq cents hommes sous la main, ce serait l’occasion de faire un coup d’éclat.

SAINT-GUELTAS, amer et ironique. Non, messieurs, vous êtes encore intacts ; à vous l’honneur ! (Ils sortent. On frappe à la porte de la rue. Rebec va ouvrir. Motus entre.)