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m’était plus rien ; elle était folle, elle n’était plus rien pour personne. Je me suis cru le droit de la considérer comme morte, et j’allais l’éloigner pour jamais… mais à quoi bon te dire le reste ? Ce qui s’est fait, je ne l’ai ni souhaité ni ordonné ; j’aurais dû le châtier peut-être… Mais, si nous punissions tous les excès de dévouement dont nous sommes forcés de profiter, nous n’aurions plus guère de soldats et de serviteurs à offrir à notre cause.

RABOISSON. N’importe !… dis tout. Ils ont été assassinés ?

SAINT-GUELTAS. Non, un mot les a tués ! Quelqu’un leur a montré le château où ils s’obstinaient à pénétrer en leur disant : « Voilà le chemin ! » C’était le pied de la falaise, et la marée montait !

RABOISSON. C’est le fidèle Tirefeuille qui a fait cette chose atroce ?

SAINT-GUELTAS. Non ; je ne dirai pas… je ne peux pas le dire.

RABOISSON. Tu me jures que cela s’est fait malgré toi ?

SAINT-GUELTAS. Je te le jure.

RABOISSON. Eh bien, j’essayerai de ramener les esprits. Puisaye est tout à Charette ; mais d’Hervilly commande l’expédition, et, si tu veux amener ici tes Poitevins…

SAINT-GUELTAS. Impossible. La trêve les a énervés. Les paysans nous trahissent et nous abandonnent. Le petit corps d’aventuriers qui me reste est à peine suffisant pour mettre mon château à l’abri d’un coup de main.

RABOISSON. Ainsi, en offrant toute une province