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pas mettre tous ses œufs dans le même panier ! J’ai des cartouches et des souliers dans un souterrain, un ancien tombeau sous la colline Saint-Michel, à deux pas d’ici… J’ai des balles et de l’eau-de-vie dans trois villages de la côte. J’ai du riz et des gibernes dans les ruines du couvent. J’ai…

JAVOTTE. Et, si les bleus trouvent tout ça, ils vous fusilleront comme accapareur ou comme vendu aux Anglais !

REBEC. Laisse-moi donc tranquille ! je suis plus fin qu’eux ! Je les conduirai moi-même à une de mes caches, ça me mettra à l’abri du soupçon pour les autres.

JAVOTTE. En attendant, c’est un vol que vous faites aux royalistes !

REBEC. Oh ! ma mie Javotte, dans des temps comme ceux-ci, il y a des mots qui ne signifient plus rien. Qu’est-ce que c’est que ces armements et ces approvisionnements que les Anglais et les insurgés distribuent aux rebelles ? Des instruments de guerre civile, n’est-ce pas ? Tout bon citoyen a le droit de s’en emparer pour les livrer à la nation ; mais tout service mérite sa récompense, et rien de plus légitime qu’une modeste spéculation après les dangers que j’ai courus pour me procurer ce butin incendiaire et prévaricateur ! Ai-je sollicité la confiance des chefs insurgés ? Ne m’ont-ils pas requis, moi, mon cheval et ma charrette, pour travailler à leurs convois et à leurs distributions ?

JAVOTTE. Vous n’avez point été forcé, ce n’est pas à moi qu’il faut conter des histoires ! Vous n’êtes venu dans ce vilain pays faire semblant de vous