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des horreurs, et il en arrive des quatre coins du ciel. Et tous ces émigrés qui arpentent la plage comme des cormorans ! Et ces vaisseaux anglais dans la rade ! si ça ne fait pas mal au cœur de voir des choses pareilles ! Pas possible que les républicains, qui sont partis sans rien dire, ne reviennent pas un de ces matins nous délivrer !

REBEC. Tais-toi, Javotte, tais-toi ! ne te mêle pas de politique, ma fille ! Rien de plus pernicieux que d’avoir une opinion !

JAVOTTE. Oh ! ma foi, tant pis ! Je suis patriote, moi, et vous ne me blanchirez point.

REBEC. De la prudence, te dis-je, de la prudence ! Songe donc que je t’ai tirée jusqu’à présent des plus grands dangers ! Ah ! certes, on voudrait bien pouvoir dilater son âme dans le sentiment du plus pur patriotisme ; mais, quand il y va de notre existence et de notre argent, il faut avoir le courage de se taire et l’héroïsme de se cacher. Ah ça ! dis-moi, est-il venu du monde, ce soir, pendant ma tournée ?

JAVOTTE. Quelques paysans royalistes des environs sont encore venus demander des habits et des armes.

REBEC. Tu n’as rien délivré, j’espère ?

JAVOTTE. Non, ils n’avaient point de bons pour toucher. J’ai dit que nous n’avions plus rien.

REBEC. Tu n’as guère menti. La nuit prochaine, j’emporterai ce qui nous reste, et, quand on se battra, nous pourrons lâcher l’auberge.

JAVOTTE. Et si on y met le feu ?

REBEC. Me crois-tu assez bête pour l’avoir payée ?

JAVOTTE. Êtes-vous sûr que votre dépôt ne sera pas déniché ?

REBEC. Parle plus bas. J’ai avisé à tout. Il ne faut