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être sérieusement renseigné. Pourquoi M. Le Moreau garde-t-il le silence ?

LE MOREAU, prenant un siége et faisant sentir qu’on ne lui a pas encore dit de s’asseoir. Monsieur le comte ne m’a pas encore fait l’honneur de m’interroger.

LE COMTE, lui faisant signe de s’asseoir. Veuillez parler, monsieur.

LE MOREAU. Je ne suis pas aussi persuadé que M. Rebec de l’approche de ces bandes ; mais la population s’en émeut, et il faut la rassurer. Les paysans des districts voisins, gagnés par l’exemple des districts plus éloignés, commencent eux-mêmes à commettre des actes de brigandage, on n’en peut plus douter. La loi du recrutement est dure pour eux, j’en conviens, et ils n’en comprennent pas la nécessité ; des suggestions coupables, des intrigues perverses que je n’ai pas besoin de vous signaler…

RABOISSON. Quant à cela, je ne vous dirai pas le contraire. Le clergé des campagnes…

LE COMTE. Ne parlons pas du clergé, je le respecte.

LE MOREAU. Je le respecte aussi, quand il ne prêche pas la guerre civile.

LE COMTE. La guerre civile ! en sommes-nous là, bon Dieu ?

LE MOREAU. Oui, monsieur, nous en sommes là, et si vous l’ignorez, vous vous faites d’étranges illusions.

LE COMTE. Le peuple n’en veut qu’aux jacobins, messieurs, et Dieu merci, il n’y en a pas dans notre district.

LE MOREAU. Du moins, il y en a peu ; mais, en revanche, il y a beaucoup d’hommes qui pensent comme moi.