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mais je sentais vaguement en elle un orgueil de race et un besoin de domination qui ne pouvaient être satisfaits ou domptés que par un ambitieux et un despote. Il y avait en moi des instincts plus désintéressés et plus tendres qu’elle dédaignait. Il est tout simple qu’elle m’ait préféré le partisan farouche et insinuant qui sait, dit-on, corrompre les femmes par la louange et frapper leur imagination par des actes d’autorité audacieuse. Je ne le connais pas, je me suis battu contre lui sans le voir ; j’ignore si son royalisme est sincère, je ne le juge pas comme homme politique ; je sais seulement qu’il a séduit beaucoup de femmes, qu’il a inspiré beaucoup d’amour et de haine, et que celles qui l’ont aimé ont l’âme à jamais flétrie ou désenchantée. Pour succéder à un pareil homme, il faut se croire capable de lui ressembler. J’ai une ambition plus noble, celle de rester moi-même et d’inspirer l’estime avant d’éveiller la passion ! Dites donc à notre ami Cadio de pardonner à Louise et de ne pas chercher à me venger d’elle sur la personne de son époux. Je ne suis pas plus jaloux de la gloire de l’un que de l’amour de l’autre. C’est un amour et une gloire qui se ressemblent, car la folie en est le point de départ et la vengeance en est le but. Dites encore à Cadio…

MARIE. Vous le lui direz vous-même. Soldat, il n’aura pas le loisir de revenir ici, et je ne le verrai sans doute pas de longtemps, si je le revois jamais.

HENRI. Vous croyez qu’il veut être soldat ? Je ne le crois plus, moi.

MARIE. Que croyez-vous donc ?

HENRI. Je crois qu’il vous aime.