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Je pouvais contempler le soir un petit espace du ciel fermé par le cercle de pierres qui m’entourait. Je voyais les étoiles et les nuages ; mais, le jour, j’entendais le cri des corbeaux attirés par l’odeur du sang, les clameurs de la foule cruelle et le bruit inénarrable que fait le couperet en glissant dans la rainure de la guillotine. Mon Dieu ! mon Dieu ! comment peut-on vivre au milieu de ces horreurs !… Vivre ainsi préservée au milieu de cette tuerie perpétuelle m’a paru le pire des supplices.

HENRI. Pauvre Marie ! Et vous chantiez pour vous distraire ?

MARIE. Non, mais pour essayer de distraire les autres. Je me disais que, des autres cellules, des malheureux isolés comme moi m’entendraient peut-être et se trouveraient un instant soulagés par mon chant. Je ne pouvais que cela pour eux…

CADIO. Vous m’avez fait du bien, à moi ! Je vous écoutais.

MARIE. Avez-vous été prisonnier aussi ?

HENRI. Non… Il vous racontera à loisir comment il a vécu depuis le jour où vous vous êtes quittés à Saint-Christophe ; et moi qui vous avais vue là aussi, j’aurai aussi bien des choses à vous dire, Marie !… À ce soir !…

CADIO. Je vais t’amener le cheval au bout du jardin. (Il sort.)

MARIE. Et moi, je vous reconduis jusqu’à la porte de l’enclos.

HENRI, sur le seuil du jardin, tenant la main de Marie. Eh bien, il est charmant, ce jardin abandonné ; comme il est couvert et touffu ! Qu’est-ce que c’est que ces grandes