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ne rêvait que le retour de l’inquisition. Carrier est devenu son dieu. À présent, il ne parle pas volontiers des choses qu’il a faites. Depuis le départ de Carrier, ces choses ont été blâmées, et on a menacé ceux qui y ont pris part.

HENRI. Et qu’est-ce qu’un pareil fonctionnaire de la Terreur a pu t’apprendre, à toi ?

CADIO. Il m’a appris qu’il faut se méfier de soi, vu que les hommes les plus rudes sont faibles comme des enfants. Cet homme ne dort plus et il dépérit. Il est plus malade que moi, il meurt d’épouvante et de chagrin.

HENRI. Ma foi, c’est ce qu’il a de mieux à faire. Je comprends qu’il existe des bêtes féroces comme Carrier et ses complices ; je ne comprends pas que le peuple se trouve toujours prêt à leur obéir. Qu’une bande de loups se précipite sur un troupeau, c’est dans l’ordre ; mais que les moutons, pris de fureur, se mettent à se dévorer les uns les autres, voilà ce qui m’indigne et me navre. Si ce peuple de Nantes, qui est honnête et laborieux, avait injurié les bourreaux et sauvé les victimes au nom de la République, la République ne se fût pas égarée ; mais, à Nantes comme à Paris, comme partout, le peuple tremblant s’est effacé, et, parce qu’une poignée de meneurs d’émeutes s’est toujours trouvée là pour applaudir le meurtre et demander des têtes, les meneurs de la Convention ont mis leurs crimes sur le compte du peuple tout entier, disant qu’on lui jetait des têtes pour apaiser sa rage. Eh bien, moi qui ai vu les choses de près, je déclare qu’ils en ont menti, et que, s’ils eussent, enseigné et pratiqué l’humanité, ils eussent trouvé le peuple humain et géné-