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a trois mois que je me débats contre un soupçon qui me torture… Cruelle ! tu ne vois donc pas que j’en meurs ?

MARIE. Cruelle, moi ? Qu’ai-je donc fait ?… Mais tu es folle, je le vois ; je te plains. Pauvre enfant, que faut-il faire pour te guérir ?

LOUISE. Tu ne peux rien si tu ne peux pas me dire qu’il n’aime que moi.

MARIE. Je ne peux pas mentir pour t’égarer davantage. Tu l’aimes passionnément, je le vois, et lui, il vient de m’offrir, par dépit de ta pudeur, qu’il appelle méfiance et lâcheté, son insultant et banal hommage. A-t-il agi ainsi pour éveiller ta jalousie ? Je le crois, car il m’a engagée à te dire sa trahison, et il se vante de nous brouiller ensemble.

LOUISE. Ah ! alors… oui, j’ai déjà l’expérience de ses ruses affreuses !… Il veut me vaincre par le dépit !

MARIE. Est-ce là de l’affection, et te laisseras-tu prendre à ce jeu grossier, toi qu’Henri eût si loyalement aimée ? M. Saint-Gueltas n’a aucun principe, tu le sais. Il ne voit dans l’amour que le plaisir et la vanité de troubler la conscience et de vaincre la pudeur. Au lendemain d’une conquête, il l’abandonne pour en essayer une autre. C’est comme sa méchante guerre de partisan, va ! Il ruine et profane sans pitié ce qu’il terrasse, et il le laisse là sans remords et sans regret.

LOUISE. Ah ! tu le hais trop pour ne pas l’aimer !

MARIE. Je ne le hais pas, je le dédaigne, comme ce qu’il y a de plus vain, de plus inconsistant et de moins héroïque au monde.

LOUISE. Tu nies jusqu’à sa bravoure ?

MARIE. Non, mais j’en fais peu de cas. Le dernier de vos paysans qui se bat par fanatisme religieux est