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exacte pour le moment, Marcel restait encore bien au-dessous de la vérité.

Le panégyrique de Julien fut si complet et si émouvant, que la comtesse autorisa Marcel à exprimer de sa part à l’oncle Antoine le désir de voir ses fleurs rares et de parcourir ses vastes et curieuses plantations. L’oncle Antoine reçut cette communication d’un air hautain et sceptique.

— Fort bien, dit-il, on veut vendre cher, et voilà des avances qui me coûteront les yeux de la tête.

Marcel le laissa gloser et ne fut pas sa dupe. La satisfaction du richard était trop visible.

Au jour convenu, madame d’Estrelle reprit ses grands habits de deuil, monta dans sa voiture et se rendit à l’hôtel Melcy. Marcel était sur le seuil, il l’attendait. Il lui offrit sa main, et, comme ils montaient le perron, l’oncle Antoine apparut dans toute sa gloire, en tenue de jardinier. Ceci n’était pas trop bête de la part d’un homme aussi sot. Il avait bien roulé dans sa tête, sans en rien dire à Marcel, le projet de se montrer en habit magnifique : il avait le moyen de mettre de l’or sur toutes ses coutures ; mais la crainte du ridicule l’avait arrêté, et, puisqu’il se piquait d’être avant tout un grand horticulteur, c’est dans une tenue sévèrement rustique qu’il eut l’esprit de se présenter.

Malgré la rudesse de son caractère et de ses manières habituelles, malgré le secret besoin qu’il éprouvait de faire preuve devant Marcel de son indépen-