Page:Sand - Antonia.djvu/73

Cette page n’a pas encore été corrigée

conseil et lui montrant ses terreurs. C’est alors que M. Antoine conçut une idée vraiment baroque, non perfide et nullement passionnée, mais où son amour-propre irritable fut bientôt en jeu. Laissons-le parler un instant.

— Cette fille était perdue, quoiqu’elle n’eût pas encore vécu maritalement avec mon frère ; elle était trop compromise pour être reçue dans sa famille, et tout ce qu’elle pouvait espérer de mieux, c’était de finir ses jours dans un couvent. Mon frère me paraissait encore plus perdu qu’elle. On avait obtenu contre lui la lettre de cachet, qui, dans ce temps-là, ne badinait pas. Il pouvait en avoir pour vingt ans, qui sait ? pour toute sa vie ! Et, comme la demoiselle me disait tout cela elle-même, criant à chaque instant : « Que faire, monsieur Antoine ? mon Dieu ! que faire ? » l’idée me vint de les sauver tous les deux en épousant la demoiselle. Je n’étais pas amoureux d’elle, non ! le diable m’emporte si je mens ! J’en eusse aimé autant une autre, et je n’ai jamais eu les idées tournées au mariage. Si celle-ci n’avait pas été noble, ce qui lui donnait,… pas pour moi, qui n’ai pas de préjugés, mais pour beaucoup de gens, un certain relief, je n’aurais pas fait grande attention à elle. Tu ris ? De quoi ris-tu, âne de procureur ?

— Je ne ris pas, dit Marcel. Allez toujours. Vous lui avez dit la belle idée qui vous passait par la tête ?

— Bel et bien, et pas plus sottement que ne l’eût fait monsieur mon frère. Était-il donc un aigle dans