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majestueux, il n’y reçoit jamais, il ne donne ni fêtes ni repas, il n’aime personne, il se défie de tout le monde. Il aime les fleurs rares et les arbres exotiques, il estime aussi la production des arbres fruitiers, et il médite incessamment sur la taille et la greffe de ses sujets. Il voit et dirige lui-même une vingtaine de jardiniers qu’il paye bien et dont il protège les familles. Ne lui parlez jamais de s’intéresser à d’autres gens que ceux qui flattent ou servent son caprice ou sa vanité.

Cette passion du jardinage lui est venue jadis par hasard. Un des navires qui faisaient à son compte et à son profit les voyages d’échange et de commerce lui a rapporté de Chine diverses graines qu’il a laissées négligemment tomber dans un vase rempli de terre. Les graines ont germé, les plantes ont poussé et se sont couvertes de belles fleurs. L’armateur, qui ne comptait pas sur ce résultat et qui, d’ailleurs, n’avait de sa vie regardé une plante, s’est fort peu ému d’abord ; mais un autre hasard a amené chez lui un connaisseur qui s’est extasié et a déclaré ce précieux végétal absolument nouveau et inconnu dans la science.

Cette découverte a décidé de la vie de M. Antoine. Il avait toujours dédaigné les fleurs : il ne les comprendra peut-être jamais, car il est totalement dépourvu du sens artiste ; mais sa vanité, qui l’étouffait faute d’aliments, a trouvé cette aubaine, et ceci devient la seule gloire à laquelle il puisse atteindre. Il a