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— Jamais il ne se montrera non plus, fût-ce pour un instant, sur la porte du jardin ? Vous l’avertirez.

— Soyez parfaitement tranquille à cet égard. Mon fils est homme d’honneur.

— Je n’en doute pas. Recommandez-lui le mien, et n’en parlons plus, c’est-à-dire ne parlons plus de moi, car vous défendre de parler de lui serait fort cruel. Je sais qu’il fait votre orgueil et votre bonheur, et je vous en félicite.

Madame Thierry s’était bien promis de ne plus dire un mot sur le compte de Julien, mais il lui fut impossible de se tenir parole. De réticence en réticence, elle arriva à exprimer son idolâtrie pour ce fils adoré et véritablement digne de l’être. La comtesse écouta l’énumération des qualités et des vertus du jeune artiste sans aucun scrupule déplacé. Elle devint pourtant un peu mélancolique à l’idée qu’elle n’aurait peut-être jamais d’enfants pour occuper sa jeunesse et consoler ses vieux jours. Madame Thierry devina sa secrète pensée et parla d’autre chose.

Que faisait Julien pendant qu’on parlait de lui dans le petit salon d’été de l’hôtel d’Estrelle ? Il travaillait, ou il était censé travailler. Il se dérangeait souvent, il avait froid et chaud, il tressaillait au moindre bruit. Il se disait que son nom était peut-être en ce moment par hasard sur les lèvres de la comtesse, qu’elle faisait par politesse quelque question sur son compte sans écouter la réponse. Il approchait de la croisée, dont le châssis inférieur était bien réellement recloué et re-