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voyance de l’avenir de son fils, cette vieillesse insouciante et légère. « Mon fils est raisonnable, disait-elle ; il apprend son art avec passion. Il aura autant de talent que son père. Il sera pauvre, et il fera sa fortune. Il passera par les épreuves et les succès que son père a traversés avec honneur et courage, et, tel que je le connais, il ne me reprochera jamais d’avoir mis toute ma confiance dans son bon cœur. » La chose est arrivée comme elle l’avait annoncée. À la mort de son père, Julien Thierry, découvrant qu’il ne lui restait que des dettes, s’est mis bravement en mesure de faire honneur à tout, et, loin de s’en plaindre, il a dit à sa mère qu’elle avait bien fait de ne jamais contrarier le meilleur des pères. Moi, ce n’est pas trop mon avis, je le confesse. Le meilleur des pères est celui qui sacrifie ses goûts et ses plaisirs au bien-être de ceux qui lui survivront. Mon oncle le peintre était un grand homme, autant vaut dire un grand enfant. C’est très-joli, le génie ; mais le dévouement à ceux qu’on aime est une plus belle chose, et, je vous le dis bien bas, la veuve et le fils de mon oncle me paraissent beaucoup plus grands que lui. Qu’en pense madame la comtesse ?

La comtesse était devenue rêveuse tout en écoutant avec attention.

— Je pense comme vous, monsieur Thierry, répondit-elle, et de tout mon cœur j’admire ces gens-ci.

— Mais il semble, reprit Marcel, que mon récit vous ait attristée ?