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passer ; mais il n’était pas là, elle s’ingénia à lui ménager la surprise dont elle venait de jouir. Bien des fois, en passant d’une sorte d’opulence relative à leur état présent de gêne et de souci, Julien s’était alarmé des privations qui menaçaient sa mère. Ils avaient eu à Sèvres une jolie maisonnette, avec un beau jardin où madame Thierry cultivait elle-même avec amour les fleurs qui servaient de modèles à son mari et à son fils. Il avait fallu tout vendre. Le cœur de Julien s’était serré en voyant la pauvre vieille enfermée, à Paris, dans ce pavillon, loué pour le prix le plus modique. Il avait espéré d’abord qu’elle pourrait jouir au moins des enclos environnants ; mais le bail lui avait appris que ni M. le marquis d’Estrelle, leur propriétaire, ni le riche Thierry, leur proche voisin et leur proche parent, ne les autorisaient à se promener ailleurs que dans la rue, encore encombrée de maçons et de matériaux pour les constructions nouvelles.

— Il s’est plaint amèrement de cette porte condamnée, se disait madame Thierry en songeant à son fils. Il a eu dix fois l’idée d’aller demander à la comtesse de lever pour moi l’interdit, en s’engageant, lui, sur l’honneur, à ne jamais franchir le seuil du pavillon. Je l’ai empêché de faire une démarche qui eût pu nous attirer des humiliations. Comme il va être content de me voir en liberté ! Mais comment m’y prendrai-je pour faire de ceci un petit coup de théâtre ? Si je lui donnais une commission pour demain matin, pendant le travail des ouvriers ?