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villon. Dans ce même moment, Marcel, M. Antoine et madame Thierry rentraient dans Paris par la barrière de Sèvres. Le souper frugal et la lourde causerie de M. Antoine s’étaient un peu trop prolongés au gré de la veuve. Inquiète de son fils, elle avait demandé une place dans la carriole, pour aller rejoindre Julien chez Marcel.

Au moment de revoir Julie, Julien s’était armé de tout son courage. Il s’attendait à une explication pénible, il s’était juré de n’avoir ni colère, ni reproche, ni faiblesse, et pourtant, lorsqu’il ouvrit la porte, sa main trembla, un vertige de fureur et de désespoir le fit hésiter et reculer ; mais, en l’apercevant, Julie eut un profond cri de joie, jeta ses bras à son cou, et l’étreignit contre son cœur avec passion. Ils étaient dans les ténèbres, ils ne virent pas comme ils étaient changés tous les deux. Ils sentirent que leurs baisers étaient brûlants, et ne se dirent pas que ce pouvait être de fièvre. La seule fièvre était en ce moment-là celle de l’amour qui fait vivre. Ils n’avaient plus souci de celle qui fait mourir.

Mais ce moment d’ivresse ne dura pas chez Julien. Épouvanté plus qu’enivré des caresses de Julie, il la repoussa vivement.

— Pourquoi m’aimes-tu toujours, lui dit-il, si tu veux toujours me quitter ?

— Bah ! répondit-elle, ce n’est peut-être pas pour longtemps !

— Tu m’as écrit que c’était un éternel adieu !