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Allons, c’est fini, madame ma sœur ! Je ne vous rappellerai jamais ça, car je suis généreux, moi, et, quand on me contente, je sais récompenser. Votre fils épousera la belle comtesse, que je dois déposséder pour le qu’en dira-t-on ; mais l’hôtel d’Estrelle sera la dot de Julien et vingt-cinq mille livres de rente. Voilà comme je fais les choses, moi, et je sais qu’on m’en remerciera demain tout de bon, car je ne suis pas la dupe de la politique d’aujourd’hui ; mais on a fait ma volonté, on s’est soumis, je ne demandais que ça.

— Vous aurez mieux, lui répondit madame Thierry, vous aurez l’affection de cœurs sincères et chauds, et vous connaîtrez un bonheur que vous auriez pu connaître plus tôt, mais que nous vous ferons de nature à réparer le temps perdu.

— Ça, c’est des mots, dit M. Antoine. Le bonheur, c’est d’être son maître, et je n’ai besoin de personne pour être le mien. Je n’aime pas la marmaille et la sensiblerie : je n’étais pas né pour faire un père de famille, mais j’aurais très-bien gouverné un peuple, si j’étais né roi. Ç’a toujours été mon idée de commander, et je règne sur ce qui est à ma portée beaucoup mieux que bien des monarques qui ne savent ce qu’ils font !

Malgré l’inquiétude que lui causait l’absence de Julien et le désir qu’elle avait d’envoyer Marcel à sa recherche, madame Thierry crut devoir offrir à souper à M. Antoine.

— Oh ! moi, dit-il, je soupe d’une croûte de pain