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— Oui, jusqu’au jour où j’ai vu que ce bonheur les conduisait droit à la tombe.

— Ils sont fous !

— Oui, mon oncle, ils sont fous ; l’amour est une folie ; mais, quand elle est incurable, il faut céder, et je cède.

— C’est bien, répondit M. Antoine en enfonçant son tricorne jusqu’aux yeux d’un coup de poing désespéré. Va-t’en dire à cette dame de sortir de chez elle, c’est-à-dire de chez moi, à l’instant même. Moi, je vais à Sèvres faire déguerpir les autres. Si dans deux heures tout ce monde-là n’est pas sur le pavé, j’envoie des recors, des exempts de police… Je mets le feu, je…

Ses folles menaces se perdirent dans l’agitation de sa course. Il laissait Marcel dans la rue et rentrait chez lui, parodiant à son insu Oreste pressé par les furies. Marcel le suivit doucement sans se laisser épouvanter, et força la consigne déjà donnée ; il était résolu à jouer des poings avec les valets, s’il l’eût fallu.

— Vous voulez aller à Sèvres ? lui dit-il. J’irai avec vous.

— C’est comme tu voudras, dit l’oncle Antoine d’un air sombre. As-tu averti madame Julie de faire place nette dans mon hôtel ?

— Oui, c’est fait, répondit Marcel, qui vit que le vieillard n’avait plus sa tête et qu’il ne se rendait pas compte du peu de minutes écoulées depuis leur altercation dans la rue.