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— Ne parlons pas de cela : je boirai le calice jusqu’à la lie. Mais comment expliquerons-nous au monde la générosité que je subis ? Quel motif pourrons-nous donner à cela ? Le monde supposera que j’ai fait la cour à ce vieillard, que je l’ai ensorcelé par des coquetteries honteuses ; on dira peut-être pis !

— Oui, madame, répondit Marcel, qui voulait tenter une grande épreuve pour s’assurer des sentiments de Julie, les méchants diront tout cela, et je ne vois pas encore le moyen de les en empêcher. Nous le chercherons ; mais, si nous ne le trouvons pas, votre dévouement pour Julien ira-t-il jusqu’au sacrifice que je vous demande ?

— Oui, dit madame d’Estrelle, j’irai jusqu’au bout ! N’y a-t-il pas quelque chose à signer, dites ?

Et elle pensa :

— Je me tuerai après !

— Vous n’avez pas de nouveaux engagements à prendre, répondit Marcel ; mais il faudrait consentir à recevoir M. Antoine et à le remercier. J’ai la certitude à présent qu’il ferait véritablement la fortune de Julien, si vous vous prêtiez à une sorte de réconciliation.

— Allez chercher M. Antoine, dit Julie. — Je me tuerai cette nuit, se dit-elle quand Marcel fut sorti.

L’amour de Julie avait fait de tels progrès dans le désespoir, qu’elle n’était plus capable d’un solide raisonnement. C’était devenu un martyre accepté ; elle ne vivait plus que de l’exaltation de ce martyre.