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tout ce qui est la vie des jeunes femmes, mariage, fortune et liberté, que je ne me connais guère. Je sais que je me suis consumée deux ans dans la tristesse et les ennuis, et qu’à présent, dans ma solitude, sauf les embarras d’argent qui me répugnent fort, mais que je m’exerce à supporter sans aigreur, je me trouve dans un état plus endurable que ceux par où j’ai passé. Je suis peut-être un caractère sans ressort comme je suis un esprit sans facettes. Forcée de m’occuper pour tuer le temps, j’ai pris goût aux amusements tranquilles. Je lis beaucoup, je dessine un peu, je fais de la musique, je brode, j’écris quelques lettres à d’anciennes amies de couvent. Je reçois quatre ou cinq personnes assez sérieuses, mais bonnes, et toujours les mêmes, ce qui me laisse dans une habitude de calme et de raison. Enfin, je ne souffre pas et je ne m’ennuie pas : c’est beaucoup pour qui a toujours souffert ou bâillé. Laissez-moi donc là, mon amie. Venez me voir le plus souvent que vous pourrez sans faire de tort à vos plaisirs, et ne vous inquiétez pas de mon sort, qui n’est pas des plus mauvais.

— Tout cela est bel et bon pour quelque temps, ma chère, et vous agissez comme une femme d’esprit en faisant contre fortune bon cœur ; mais chaque chose a son temps, et il n’en faut pas trop laisser passer sur l’âge de la beauté et des avantages qu’elle procure. Vous n’êtes pas, soit dit sans vous blesser, de très-grande naissance ; mais vous avez gagné à