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faible, et à présent la force du caractère s’emploie à faire triompher en elle le préjugé qui tue l’amour. Pauvre chère Julie ! elle doit souffrir parce qu’elle est bonne, parce qu’elle se rend compte de ma souffrance ; pour elle-même, je crois être certain qu’elle aspire à m’oublier.

Marcel augurait mieux de la guérison morale de Julien que de celle de Julie. Il le voyait le moins souvent et le moins longtemps possible, afin d’échapper à ses questions. Un jour qu’il était forcé de venir rendre compte à sa tante d’une affaire de détail dont elle l’avait chargé, il la trouva seule.

— Où est Julien ? lui dit-il ; dans son atelier ?

— Non, il s’occupe de jardinage. Depuis qu’il a retrouvé ce coin de terre pour semer et planter, il se console de tout plus aisément. Il a eu du chagrin, Marcel ! beaucoup de chagrin que tu ne sais pas. Il aimait madame d’Estrelle, je ne m’étais pas trompé, et même…

— Bon, bon ! dit Marcel, qui ne voulait pas d’épanchement ; c’est passé, n’est-ce pas ? c’est fini ?

— Oui, répondit la veuve, je crois que c’est fini. S’il me trompait… Non ! après les espérances qu’il a eues, ce n’est pas possible, mon enfant, n’est-il pas vrai ? On ne peut pas tromper l’œil d’une mère qui vous adore ?

— Non, sans doute. Dormez tranquille, ma tante ! Je vais dire bonjour à Julien. — S’il trompe sa mère en effet après le désastre de ses espérances, pensait