Page:Sand - Antonia.djvu/282

Cette page n’a pas encore été corrigée

Marcel s’effraya de cette douleur sans réaction. Il venait pour raconter ce qui s’était passé le matin à l’hôtel d’Estrelle. Julie se borna à lui demander des nouvelles de Julien et de sa mère. Quand elle su qu’ils faisaient leur déménagement et qu’ils devaient aller coucher à Sèvres, elle ne voulut pas entendre autre chose.

— Je ne veux plus haïr personne, dit-elle ; cela me ferait plus de mal et ne servirait à rien. Ne me parlez donc plus de M. Antoine d’ici à quelques jours. Je vous en supplie, mon ami, laissez-moi m’habituer à mon sort comme je pourrai. Vous voyez que je ne me révolte pas : c’est tout ce qu’il faut.

Les jours suivants, Marcel la trouva de plus en plus calme. Elle était fort pâle ; mais la religieuse assurait qu’elle dormait et mangeait autant qu’il était nécessaire, et cela était vrai. Elle ne faisait rien de la journée et ne désirait voir personne, assurant qu’elle ne s’ennuyait pas. Cela était encore vrai. Elle était absorbée et parfois souriante. Marcel n’y comprenait rien ; il l’engagea à recevoir le médecin du couvent, qui lui trouva le pouls un peu faible, le teint un peu flegmatique, comme on disait alors pour désigner une certaine prédominance de la lymphe dans l’économie. Il ordonna des prises de quinquina et dit à Marcel que ce ne serait rien.

Ce n’était rien en effet, sinon que l’âme s’éteignait et que la vie s’en allait avec elle. Julie, obéissante, prit le quinquina, se promena dans le jardin du cou-