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il s’étonnait qu’après la confidence à madame Thierry elle ne pût trouver le temps d’envoyer à celle-ci trois lignes pour la rassurer sur les suites de l’esclandre faite par la douairière. Il attendait le soir avec anxiété. Il lui venait des idées noires.

— Qui sait si la douairière et M. Antoine ne s’entendaient pas pour faire enlever Julie et la mettre dans un couvent sous prétexte d’inconduite ?

On n’obtenait plus très-aisément alors les lettres de cachet ; mais avec des formalités, un jugement rendu après coup, on pouvait encore faire légaliser une incarcération arbitraire, d’autant plus qu’une liaison avec un roturier pouvait encore être considérée dans le monde officiel comme un scandale qu’une famille avait le droit de réprimer.

Julien devenait fou lorsque Marcel arriva. Madame Thierry était abattue et fort triste. Marcel vit bien que ce n’était pas le moment d’être sincère.

— Il y a du nouveau, leur dit-il en prenant sur lui de montrer un visage tranquille et même réjoui. Nous allions signer, quand l’oncle Antoine est apparu comme le dieu des nuages de l’Opéra. Il s’est fâché, brouillé avec la douairière, qui, jusque-là, s’entendait avec lui contre madame d’Estrelle ; mais il s’est repenti de sa folie, il vous donne une indemnité magnifique ; c’est pour lui l’occasion de réparer tous ses torts, et il s’exécute largement, je dois le dire ; sachez-lui-en gré, ainsi que de l’intention où il est de faire grandement les choses avec madame d’Estrelle. Il lui