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M. Antoine. C’est chez lui qu’il se fit conduire d’abord ; mais il y usa toute l’éloquence de son cœur et de sa raison. L’égoïste était heureux, triomphant ; il savourait sa vengeance et n’en voulait pas laisser une goutte au fond du vase. Tout ce que Marcel put obtenir après avoir échangé avec lui beaucoup de reproches et d’invectives, ce fut que Julien et sa mère ignoreraient le cruel marché qui les enrichissait.

— Vous voulez une chose très-difficile, lui dit-il : ne la rendez pas impossible. Madame d’Estreile est jusqu’ici seule à se soumettre. Julien résisterait ; trompez-le, si vous voulez ne pas rendre inutile à votre vengeance la soumission de Julie.

— Tu m’ennuies avec ta Julie ! s’écriait M. Antoine. Ne voilà-t-il pas une femme bien à plaindre, à qui je rends tout, fortune, considération et liberté !

— Oui, la liberté de mourir de chagrin !

— Est-ce qu’on meurt de ça ! Belle sottise dans la bouche d’un procureur ! Qu’elle fasse un bon mariage selon son rang, je ne m’y opposerai pas, le mariage qu’elle voudra. Je ne lui interdis que le barbouilleur. Avant quinze jours, elle ouvrira les yeux et me remerciera. Elle reconnaîtra ma grandeur d’âme et m’appellera son bienfaiteur. En vérité, vous êtes tous timbrés ! Je tire des centaines de mille livres de ma poche, je les jette à poignées à des ingrats, à des fous, et on m’appellera mauvais parent, mauvais cœur, vieux chien, vieux avare, que sais-je ? Le monde est sens dessus dessous à présent, ma parole d’honneur !