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lera avec tous ses amis ; il se battra peut-être avec quelques-uns…

— Assez, assez, Marcel, dit Julie en pleurant. Je vois bien que j’ai été folle, que je me suis laissé conseiller par une passion égoïste ou plutôt par l’ignorance absolue où je suis des nécessités sociales. Je vois qu’un blâme pèserait sur la vie de Julien, que cette vie serait un danger et une amertume de tous les moments… Ah ! Marcel, vous m’avez brisé le cœur ; mais vous avez fait votre devoir, et je vous en estime davantage. Allons dire à Julien que je veux rompre…. Comment lui dirai-je cela, mon Dieu !

— Julien ne vous croira point ! Il sourira de votre feinte généreuse ; il vous dira qu’il veut souffrir pour vous. Il a de la bravoure et de la force, et, je n’en doute pas, il vous adore. Si vous le consultez, son premier cri sera : « Amour à tout prix, amour et persécution, amour et misère. » Il ne doute pas de lui, et sa mère, qui est à sa hauteur en fait de courage et de désintéressement, l’aidera à tout sacrifier ; mais figurez-vous Julien dans un an ou deux, quand il verra souffrir sa mère ! C’est avec des peines inouïes qu’à l’heure qu’il est il la préserve des horreurs de la pauvreté, et, malgré lui, malgré elle-même, malgré tout, elle en souffre, n’en doutez pas. Madame Thierry est une enthousiaste, nullement une stoïque. Elle avait été élevée à ne rien faire, et elle ne sait que tricoter et lire, bien assise sur son fauteuil. Elle est