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de tableaux, et la plupart des gens n’en ont jamais besoin. C’est affaire de superflu. Julien ne fera pas, comme a fait son père, une petite fortune. On estime peut-être davantage son talent et son caractère ; mais il n’a pas l’aimable frivolité, le goût du monde et les dehors brillants qui font que certaines coteries s’engouent d’un artiste, le produisent, le prônent et le font resplendir. Sachez bien que le talent de mon oncle André, quelque réel qu’il fût, ne l’eût jamais tiré de la misère, s’il n’eût été beau chanteur à table, grand diseur de bons mots et d’anecdotes piquantes, et enfin si certaines dames influentes et d’humeur légère ne l’eussent de temps en temps rendu infidèle à sa femme, qu’il adorait pourtant, mais dont il disait tout bas, ingénument, que, dans son intérêt, il fallait bien la tromper un peu… Vous pâlissez !… Julien ne suivra point cet exemple d’un temps qui n’est plus ; mais Julien aura beau faire des chefs-d’œuvre, il restera pauvre. Le monde ne se passionne pas pour le mérite modeste, et il ne se met point en quête de la vertu ignorée. Son mariage avec vous fera pourtant un certain bruit, un petit scandale qui le mettra en vue. Celui de son père eut autrefois ce résultat ; mais, encore une fois, les temps sont changés : on est plus austère ou plus hypocrite aujourd’hui que du temps de la Pompadour. Et puis les mêmes aventures ne réussissent pas deux fois. On dira que ce jeune gars est bien osé de vouloir singer son père, et vous lui ferez plus d’ennemis que de protecteurs. On criera