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son boudoir, laissant ouvertes toutes les autres portes des appartements.

La marquise d’Estrelle était une âpre Normande. Dans le monde de madame d’Ancourt, on l’appelait madame de Pimbêche, Orbêche, etc. On l’accusait d’emprunter à l’année pour prêter sous main à la petite semaine. C’était peut-être exagéré ; mais il est certain qu’en versant une grosse somme pour libérer Julie, elle voulait se rattraper sur le détail. La promptitude qu’elle mit à venir faire cette sorte d’expertise en était la preuve.

Elle se promena dans toute la maison, examina tout d’un œil perçant et sûr, fit ses objections et ses réserves sur la plus petite dégradation murale, déprécia tant qu’elle put le mobilier et l’immobilier, parlant et agissant avec un cynisme d’avarice et d’aversion qui écœura Marcel et fit plus d’une fois rougir le notaire. Lorsqu’elle arriva devant le boudoir où Julie s’était réfugiée, elle demanda que cette porte fût ouverte. Elle le fut à l’instant même. Julie avait entendu venir, et, ne voulant pas subir ce dernier affront de recevoir malgré elle une visite odieuse, elle était sortie par le jardin, laissant à Camille l’ordre d’ouvrir dès qu’on l’exigerait. Camille était fière, elle comptait des échevins parmi ses ancêtres ! Elle ne put résister au désir de donner une leçon à la douairière : elle s’approcha d’un meuble où elle avait serré exprès à la hâte quelques chiffons, et dit d’un ton de soumission mordante :