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m’aime pas, et il est fort possible qu’elle ne me doive rien ; mais c’est une très-grande dame, et il n’est pas possible que, riche comme elle l’est, elle laisse dépouiller entièrement une personne qui porte son nom. Attendons encore. Il ne serait pas séant d’aller si vite lui parler d’argent, et peu prudent, vous l’avez dit vous-même, de paraître trop pressée. Le moment venu, je ferai cette démarche quoi qu’il m’en coûte ; vous m’avertirez de l’opportunité.

— Allez-y tout de suite, lui dit un jour Marcel. Il n’est que temps, vos créanciers veulent agir demain.

Julie, sans se décourager de l’insuccès de sa première visite, s’était présentée chez la douairière dans la matinée qui avait suivi le décès du marquis. Cette fois, elle avait été reçue très-froidement, mais avec politesse. Peut-être, ayant fait disparaître les dispositions testamentaires, ne craignait-on plus sa présence. Il y eut bien quelque réflexion aigre-douce sur les plaisirs mondains qui marquaient la fin du deuil de veuve de madame d’Estrelle, par allusion à son absence de la veille. Julie avait donné l’explication convenue avec Marcel. On l’avait écoutée d’un air de curiosité assez désobligeant, et puis on avait ajouté :

— C’est dommage pour vous, comtesse, mais vous voilà de nouveau en deuil !

Julie avait fait d’autres visites à la douairière sans lui parler jamais de ses embarras. Le moment venu de le faire, elle s’arma de courage, se présenta avec sa douceur accoutumée, et fit en peu de mots, qu’elle