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le frais, seule et assez tard, dans les nuits d’été.

Quelle douce existence, si elle eût pu durer ! Ces rendez-vous avaient tout l’attrait du mystère, sans que le remords en troublât les délices. Libres tous deux et n’aspirant qu’à l’union la plus sainte, soutenus par un amour assez fort pour savoir attendre, ils étaient là dans la nuit, dans les buissons de fleurs, dans la splendeur de l’été qui commence et qui conserve toutes les grâces du printemps ; ils étaient là comme deux fiancés à qui l’on a permis de s’aimer, et qui, sans abuser, se cachent pour ne point faire de jaloux. C’était la lune de miel du sentiment précédant celle de la passion. La passion en était bien déjà, mais combattue, ou plutôt réservée d’un commun accord pour la phase du combat et de la vaillance, car on savait bien ce qu’il faudrait braver, et Julien disait à son amie :

— Vous souffrirez beaucoup pour moi, je le sais ; et, moi, je souffrirai de vous voir souffrir ; mais nous nous appartiendrons alors, et l’amour aura des ivresses qui nous rendront invulnérables aux atteintes du dehors. Quand même vous ne seriez pas gardée ici par votre pudeur et par ma vénération, il me semble que l’égoïsme bien entendu me ferait une loi de ne pas épuiser tout mon bonheur à la fois.

En d’autres moments, Julien était plus agité et moins résigné à l’attente. Julie alors le calmait en le suppliant de se rappeler ce qu’il avait dit la veille.

— Je suis si heureuse depuis que nous nous aimons