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doutez pas, et c’est votre confiance qui me préservera. Je vous ai dit que je vous adorais : cela est plus vrai que je n’ai su vous le dire, plus fort que vous ne pensez, plus terrible que je ne le croyais moi-même ; mais je ne veux pas vous coûter une larme, je me tuerais plutôt ! Soyez tranquille, vous ne rougirez pas de m’avoir ordonné de vous aimer.

Eût-il pu tenir parole ? Il le croyait encore au milieu du délire de sa joie. Julie ajouta à sa force par sa propre hardiesse.

— Non, je ne veux pas rougir, lui dit-elle avec la franchise d’une prise de possession sérieuse ; je veux être votre femme, car être votre maîtresse, ce serait vous dégrader. À un homme comme vous, de vulgaires aventures ne conviennent pas ; à une femme comme moi, la galanterie est impossible. Et moi aussi, je me tuerais plutôt ! Julien, jurons-nous ici le mariage, quoi qu’il arrive, que je sois riche ou ruinée, car il y a autant de chance pour l’un que pour l’autre. Si je suis pauvre, vous n’aurez pas de défaillance de volonté, vous me soutiendrez, vous me nourrirez. Si je suis riche, vous n’aurez pas de vaine fierté, vous partagerez mon sort. Il faut que ce soit décidé, convenu, juré. Je ne suis pas courageuse, je vous en avertis, c’est pour cela que je veux m’engager sans retour, et je sais qu’alors je ne regarderai plus ni à droite ni à gauche. Mon amour deviendra en moi un devoir ; j’aurai alors de la force, de la décision, du sang-froid. J’ai su accepter le désespoir dans le ma-