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crainte et réserve, elle répondit avec abandon.

— Ma chère et bien-aimée comtesse, dit-elle, il faut me pardonner un mauvais rêve que j’ai fait, et qui maintenant se dissipe. J’ai été trop prompte à juger, je me suis follement alarmée, et je vous ai effrayée de mes chimères. J’ai cru que mon fils avait l’audace de vous aimer, et je l’ai si bien cru, qu’il m’a fallu cette quinzaine écoulée pour me désabuser. Oubliez donc ce que je vous ai dit, et rendez à mon pauvre enfant l’estime qu’il n’a pas cessé de mériter. Il n’élève jusqu’à vous ni ses regards ni ses vœux. Il vous vénère comme il le doit, et s’il fallait périr pour vous, il y courrait ; mais il n’y a point là dedans de passion romanesque, il n’y a que de la reconnaissance ardente et vraie. Il me l’a juré. Je doutais d’abord de sa parole, j’avais tort. Je l’observe, je fais mieux, je l’épie depuis quinze jours, et me voilà rassurée. Il mange, il dort, il cause, il s’occupe, il va et vient, il travaille gaiement ; en un mot, il n’est point amoureux : il ne cherche pas à vous apercevoir, il parle de vous avec une admiration tranquille, il ne désire en aucune façon l’occasion d’attirer vos regards, il ne la recherchera jamais. Pardonnez-moi mes sottises et m’aimez comme auparavant.

Julie accepta cette déclaration très-sincère de madame Thierry avec une aimable satisfaction. Elles parlèrent d’autre chose et restèrent une heure ensemble ; puis elles se quittèrent en se félicitant l’une l’autre de n’avoir plus aucun sujet de trouble, et de pouvoir re-