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bûche détestable tendue par monsieur son oncle ? N’avait-il pas le droit de me dire là-dessus tout ce qu’il m’a dit, et, quant à ce qu’il s’est permis d’ajouter d’un peu trop tendre peut-être pour son propre compte, en suis-je blessée ? dois-je l’être ? J’ai beau faire, je ne trouve pas. Il s’est offert, il s’est donné à moi sans me rien demander. Il ne m’a pas seulement laissé le temps de lui répondre. Que je veuille ou ne veuille pas, il m’a fait présent de son cœur et de sa vie. Il ne m’a point parlé comme un amoureux, vraiment ! mais comme un esclave en même temps que comme un maître. Tout cela est bien singulier, et je m’y perds. Je ne sais pas ce que je sens pour lui. La seule chose certaine, c’est que je crois en lui.

Il semblait à Julie ainsi qu’à madame Thierry et à Marcel que le lendemain de cette étrange journée dût être gros d’événements. Ils s’interrogèrent en vain sur le dépit de M. Antoine : à leur grand étonnement, ni le lendemain, ni les jours suivants n’apportèrent rien de nouveau dans leur situation respective. L’horticulteur s’en alla à la campagne, on ne put savoir où. Il n’avait pas de campagne, du moins à la connaissance de Marcel, qui croyait savoir ses affaires et qui n’en savait qu’une partie. Quand il se fut bien convaincu de son absence, il s’en inquiéta ; mais on lui montra des ordres écrits de sa main que le chef de ses jardiniers recevait tous les matins et qui lui traçaient exactement l’ordre et la nature des soins à prendre de certaines plantes délicates. Ces bulletins horticoles