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dais plus que moi, puisque tu me restes, tandis que je ne suis bonne à rien qu’à t’aimer…

— Et que me faut-il de plus ? dit Julien en se mettant à genoux devant sa mère. Tu m’aimes comme personne ne m’aimera jamais, je le sais ! et ne dis pas que tu as été faible. Tu m’as caché au moins la moitié de ta peine, je l’ai vu, je l’ai compris. Je t’en ai tenu compte, va, et je t’en remercie, ma pauvre mère ! Tu m’as soutenu, j’en avais grand besoin ; car je souffrais pour toi au moins autant que pour mon propre compte, et, en te voyant pleine de courage, j’ai toujours tenu pour certain que Dieu ferait un miracle pour me conserver ta santé et ta vie, en dépit de la plus cruelle des épreuves. Il nous devait cela et il l’a fait. À présent, mère, tu ne te sens plus faiblir, n’est-ce pas ?

— À présent, je suis bien, mon enfant, en vérité ! Tu as raison de croire que Dieu soutient ceux qui ne s’abandonnent pas et qu’il envoie la force à qui la lui demande de tout son cœur. Ne me crois pas malheureuse ; j’ai bien pleuré ; le moyen de faire autrement ! il était si aimable, si bon pour nous ! et il avait l’air d’être si heureux ! Il pouvait vivre longtemps encore… Dieu n’a pas voulu. Moi, j’ai eu une si belle vie, que je n’avais vraiment pas le droit d’en exiger davantage. Et vois ce que la bonté divine me laisse ! le meilleur et le plus adoré des fils ! Et je me plaindrais ? et je demanderais la mort ? Non, non ! je le rejoindrai à mon heure, ton bon père, et il me dira alors : « Tu as bien