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Ils retournèrent à l’atelier. Là, M. Antoine, muet comme la rancune, reprit la plante, l’épi, le tableau, et, sans vouloir être aidé de personne, sans regarder Julien, sans remuer les lèvres, il sortit du pavillon pour n’y plus reparaître.

Marcel revint bientôt demander à Julien ce qui s’était passé. Julien, avec franchise, avec fermeté, le lui raconta en présence de madame Thierry.

— Maintenant, ajouta-t-il, ma conduite irréfléchie vous a inquiétés, je le sais. Vous m’avez cru aussi fou que l’oncle Antoine, et ma mère s’effraye d’un sentiment qu’elle croit devoir m’être funeste. Détrompe-toi et calme-toi, chère mère, et toi, Marcel, rends-moi l’estime qu’on doit à un homme raisonnable. On peut être tel en dépit d’une imprudence commise, et je reconnais avoir été fort étourdi en offrant à notre bienfaitrice un objet qui ne m’appartenait pas. Ceci est un élan de reconnaissance assez déplacé, mais dont elle ne s’est pas scandalisée, parce qu’elle n’y a vu qu’une émotion digne d’elle et conforme au respect qui lui est dû. Je me flatte qu’elle en est plus persuadée encore depuis qu’elle m’a donné audience, et je vous jure à tous deux, sur ce que j’ai de plus sacré, sur l’amour filial et l’amitié fidèle, que rien de fâcheux pour madame d’Estrelle, rien d’inconvenant de ma part, rien d’affligeant pour vous ne résultera de ma conduite à venir. Ne regrettons pas la maison de Sèvres, ma bonne mère : nous ne la tenions pas, à moins que madame d’Estrelle ne devînt madame An-