Page:Sand - Antonia.djvu/154

Cette page n’a pas encore été corrigée

moi… moi, je ne suis rien devant vous et je ne serai jamais rien dans votre existence ; mais souffrez qu’un homme qui se sent du cœur vous dise qu’il ne craint ni la pauvreté, ni la vengeance, ni aucun genre de persécution. J’ai fait mon devoir, je le ferai encore ; je soutiendrai ma mère jusqu’à son dernier souffle, et, fallût-il lutter contre l’univers, je saurai lutter pour elle. Que ceci vous tranquillise sur le sort de celle que vous aimez si bien. N’eût-elle que votre amitié, elle la préférerait à toutes les richesses de M. Antoine, et, moi, n’eussé-je que cet instant pour vous dire que je vous aime, je m’estimerais encore heureux et fier d’avoir pu vous le dire sans offense et sans folie ; car c’est à votre âme que je parle, et il n’y pas en moi l’ombre d’un sentiment qui ne soit digne de vous. Adieu, madame ! vivez heureuse et tranquille, et, si vous avez jamais besoin d’un homme qui fasse pour vous quelque chose d’impossible à tous les autres, souvenez-vous que cet homme existe, pauvre, infime, caché dans un coin, mais capable de transporter des montagnes ; car, lorsqu’il s’agit de sa mère ou de vous, il est la volonté, il est la foi en personne.

Julien sortit sans demander ni attendre un mot de plus de madame d’Estrelle, et il se trouva en un clin d’œil dans la rue. Antoine l’attendait avec une impatience fiévreuse : il était au moment d’entrer comme une bombe dans l’hôtel quand Julien reparut.

— Eh bien, la réponse a au moins quatre pages ! s’écria-t-il. Où est-elle ?