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est de celles qu’on adore, et qu’aucune parole ne peut exprimer. Maintenant, ajouta Julien en se relevant, j’ai le droit de vous dire que je suis un homme, et que je me mépriserais si, même par amour pour la plus tendre des mères, j’acceptais un seul instant le sacrifice de votre fierté. Non, madame, non ! il ne faut pas ménager M. Antoine Thierry, il ne faut pas qu’il croie un instant de plus qu’il peut aspirer… Pauvre homme ! il est fou ; mais les fous ont besoin d’être tenus en respect comme des enfants incommodes et dangereux. Je m’en charge, et de ce pas je vais, avec votre permission, le désabuser à jamais.

— Ah ! mon Dieu, vous-même ? dit Julie, Non ! ne le poussez pas à bout, j’écrirai…

— Et moi, répondit Julien avec une fierté dont l’emportement ne déplut pas à madame d’Estrelle, je ne veux pas que vous écriviez. Croyez-vous donc que je sois un enfant pour avoir peur de sa colère, ou un lâche pour vous laisser exposée à ses importunités ? Croyez-vous que ma mère accepterait plus que moi des bienfaits qui vous coûteraient l’ombre d’un mensonge ? Est-ce à vous de ménager quelqu’un et de souffrir pour nous, qui donnerions notre vie pour vous épargner la plus petite souffrance ? Non, madame, connaissez-nous mieux. Ma mère est à la hauteur de tous vos sentiments, elle n’acceptait qu’avec une très-grande répugnance les bienfaits de M. Antoine. Aujourd’hui, elle en rougirait ; elle en détestera la pensée quand elle saura ce qu’ils vous coûtent. Et quant à