Page:Sand - Antonia.djvu/123

Cette page n’a pas encore été corrigée

madame Thierry, en saluant son hôtesse avec une aisance respectueuse.

Madame d’Estrelle sut un gré infini à l’artiste de cette soudaineté de résolution. Elle sentit à ce léger indice que ce n’était pas là un enfant capable de la compromettre par des ingénuités fâcheuses, mais un homme tout prêt et tout armé pour la protéger envers et contre tous, pour la préserver au besoin de ses propres témérités. Elle l’en aima tout à fait, mais elle sentit bien aussi qu’il était le maître de sa destinée, puisqu’il y avait déjà entre eux un secret à cacher au regard investigateur de leurs amis communs.

Pendant qu’elle essayait de résumer rapidement à Marcel sa conversation avec M. Antoine, Julien entrait chez sa mère. Elle vit sur son visage un tel rayonnement, qu’elle s’écria :

— Mon Dieu, que tu as de beaux yeux ce matin ! Qu’est-ce qui vient donc d’arriver ?

— Madame d’Estrelle est en bas, dit Julien. Elle t’apporte la joie et la consolation. Elle a amené M. Antoine à te racheter ta chaumière. Vite ! relève tes coiffes et viens remercier ton bon ange.

Madame Thierry, surprise, ravie et en même temps désolée, car l’œil de la mère ne pouvait plus s’y méprendre et voyait bien la passion contenue sous l’apparente franchise de Julien, éprouva un tel saisissement, qu’elle fondit en larmes.

— Eh bien, eh bien, dit Julien, qu’est-ce que c’est ? Pauvre mère, si courageuse dans le malheur, ne peux-