Page:Sand - Andre.djvu/77

Cette page n’a pas encore été corrigée

de travers celui qui s’appelle Joseph Marteau. Monte dans ma voiture et donne-moi le fouet du char à bancs ; je passe le premier et je prends tout sur moi. »

En effet, Joseph fouetta d’une main arrogante les flancs respectables du cheval du marquis, et il fit une entrée triomphale dans la cour du château. Le marquis était précisément à la porte de l’écurie. Depuis que l’événement terrible était découvert, le marquis n’avait pas quitté la place, il attendait son fils pour le recevoir à sa manière. De minute en minute sa fureur augmentait, et il se formait en lui un trésor d’injures qui devait mettre plus d’un jour à s’épuiser. Lorsque, au lieu de la timide figure d’André sur le siège de sa voiture, il vit la mine fière et décidée de Joseph, il recula de trois pas, et, avant qu’il eût articulé une parole, Joseph, lui sautant au cou, l’embrassa si fort qu’il faillit l’étouffer. « Vive Dieu ! s’écria le gai campagnard, que je suis heureux de revoir mon cher marquis ! il y a plus de six semaines que j’ai le projet de vous amener ma famille ; mais les femmes sont si longues à se décider pour la moindre chose ! Enfin je n’ai pas voulu marier ma grande sœur sans vous la présenter : la voilà, cher marquis. Ah ! il y a longtemps qu’elle entend parler de vous et de votre beau château, et de votre grand jardin, et de vos étables, les mieux tenues du pays. Ma sœur est une bonne campagnarde qui s’entend à toutes ces choses-là ; et puis voilà les petite