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courage, il attela lui-même le gros cheval au char à bancs et partit sans bruit, grâce au fumier dont la basse-cour était garnie. Mais le plus difficile n’était pas fait ; il fallait tourner autour du château et passer sous les fenêtres du marquis. Impossible d’éviter ce terrible défilé ; le chemin était sec et le mur du château sonore ; le char à bancs, rarement graissé, criait à chaque tour de roue d’une manière déplorable, et les larges sabots du gros cheval allaient avec maladresse sonner contre toutes les pierres du chemin. André était tremblant comme les feuilles du peuplier qu’agitait le vent du matin. Heureusement il faisait encore sombre ; si son père, en proie à une de ces insomnies auxquelles sont sujets les propriétaires, était par hasard à sa fenêtre, il pourrait bien ne pas reconnaître son char à bancs ; mais il avait l’oreille si fine, si exercée ! il connaissait si bien l’allure de son cheval et le son de ses roues ! André prit le parti de payer d’audace ; il fouetta le cheval si vigoureusement qu’il le força de galoper. C’était une allure inouïe pour le paisible animal, et M. Morand l’entendit passer sans rien soupçonner et sans quitter la douce chaleur de son lit.

Lorsque André fut à cinq cents pas du manoir, il osa se retourner, et, voyant derrière lui la route qui commençait à blanchir et qui était nue comme la main, il éprouva un bien-être inexprimable, et permit à son coursier de modérer son allure.

À sept heures du matin, le cheval avait eu le