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les éléments contraires qui combattent ces destinées élues, elles se font jour, elles arrivent sans effort à prendre leur place, elles s’en font une au milieu de tous les obstacles. Il y a sur leur front comme un sceau divin, comme un diadème invisible qui les appelle à dominer naturellement les essences inférieures ; on ne souffre pas de leur supériorité, parce qu’elle s’ignore elle-même ; on l’accepte parce qu’elle se fait aimer. Telle était Geneviève, créature plus fraîche et plus pure que les fleurs au milieu desquelles s’écoulait sa vie.

On dit que la poésie se meurt : la poésie ne peut pas mourir. N’eût-elle pour asile que le cerveau d’un seul homme, elle aurait encore des siècles de vie, car elle en sortirait comme la lave du Vésuve, et se fraierait un chemin parmi les plus prosaïques réalités. En dépit de ses temples renversés et des faux dieux adorés sur leurs ruines, elle est immortelle comme le parfum des fleurs et la splendeur des cieux. Exilée des hauteurs sociales, répudiée par la richesse, bannie des théâtres, des églises et des académies, elle se réfugiera dans la vie bourgeoise, elle se mêlera aux plus naïfs détails de l’existence. Lasse de chanter une langue que les grands ne comprennent pas, elle ira murmurer à l’oreille des petits des paroles d’amour et de sympathie. Et déjà n’est-elle pas descendue sous les ventes des tavernes allemandes ? ne s’est-elle pas assise au rouet des femmes ? ne berce-t-elle pas dans ses bras les enfants du pauvre ?