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fit danser sans pouvoir lui dire un mot ; à chaque instant la parole expirait sur ses lèvres. Il craignait de manquer d’esprit, son cœur battait, il perdait la tête. Lorsqu’il avait à faire un avant-deux, il ne s’en apercevait pas et laissait son vis-à-vis aller tout seul ; puis tout à coup il s’élançait pour réparer sa faute, dansait une autre figure et embrouillait toute la contredanse, aux grands éclats de rire des jeunes filles. Geneviève seule ne se moquait pas de lui ; elle était silencieuse et réservée. Cependant elle regardait André avec assez de bienveillance ; car il avait bien parlé sur la botanique, et cela devait abréger de beaucoup les timides préliminaires de leur connaissance. Mais si André avait osé se mêler à la conversation et s’adresser à elle d’une manière générale, il n’en était plus de même lorsqu’il s’agissait de lui dire quelques mots directement. Cette excessive timidité diminuait d’autant celle de Geneviève ; car elle était fière et non prude. Elle craignait les grosses fadeurs qu’elle entendait adresser à ses compagnes ; mais en bonne compagnie elle se fût sentie à l’aise comme dans son élément.

Il y a des natures choisies qui se développent d’elles-mêmes, et dans toutes ces positions où il plaît au hasard de les faire naître. La noblesse du cœur est, comme la vivacité d’esprit, une flamme que rien ne peut étouffer, et qui tend sans cesse à s’élever, comme pour rejoindre le foyer de grandeur et de bonté éternelle dont elle émane. Quels que soient