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le parti d’éviter au moins les injures directes, et battit en retraite.

Lorsqu’elle fut partie, un feu roulant de brocards soulagea le cœur d’Henriette, et ses ouvrières firent en chœur un bruit dont les oreilles de la dame durent tinter, si le proverbe ne ment pas.

Au nombre des anecdotes ridicules qui furent débitées sur son compte, Henriette en conta une qui ramena le nom de Geneviève dans la conversation : madame Privat lui avait honteusement marchandé une couronne de roses qu’elle s’était ensuite donné les gants d’avoir fait venir de Paris et payée fort cher.

Joseph, qui n’aimait pas Geneviève, déclara que c’était bien fait, et il prit plaisir à lutiner Henriette en rabaissant le talent de la jeune fleuriste.

— Oh ! pour le coup, s’écria Henriette avec colère, ne dites pas de mal de celle-là ; de nous autres, tant que vous voudrez, nous nous moquons bien de vous ; mais personne n’a le droit de donner du ridicule à Geneviève : une fille qui vit toute seule enfermée chez elle, travaillant ou lisant le jour et la nuit, n’allant jamais au bal, n’ayant peut-être pas donné le bras à un homme une seule fois dans sa vie…

— Ah ! ah ! dit Joseph, vous verrez qu’elle s’y mettra un beau jour et qu’elle fera pis que les autres ; je me méfie de l’eau dormante et des filles qui lisent tant de romans.

— Des romans ! appelez-vous des romans ces gros