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d’André, autant qu’on pouvait être le camarade de cet enfant débile et taciturne. Joseph était précisément tout l’opposé : grand, robuste, jovial, insouciant, il ne sympathisait avec lui que par une certaine élévation de caractère et une grande loyauté naturelle. Ces bons côtés étaient d’autant plus sensibles que l’éducation n’avait guère rien fait pour les développer. Le manque d’instruction solide perçait dans la rudesse de ses goûts. Étranger à toutes les délicatesses d’idées qui caractérisaient le jeune marquis, il y suppléait par une conversation enjouée. Sa bonne et franche gaieté lui inspirait de l’esprit, ou au moins lui en tenait lieu, et il était la seule personne au monde qui pût faire rire le mélancolique André.

Depuis deux ou trois ans il était établi dans la ville de L…. avec sa famille, et fréquentait peu le château de Morand ; mais le marquis, effrayé de la langueur de son fils, alla le trouver, et le pria de venir de temps en temps le distraire par son amitié et sa bonne humeur. Joseph aimait André comme un écolier vigoureux aime l’enfant souffreteux et craintif qu’il protège contre ses camarades. Il ne comprenait rien à ses ennuis ; mais il avait assez de délicatesse pour ne pas les froisser par des railleries trop dures. Il le regardait comme un enfant gâté, ne discutait pas avec lui, ne cherchait pas à le consoler, parce qu’il ne le croyait pas réellement à plaindre, et ne s’occupait qu’à l’amuser, tout en