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croisée mérinos, moutons cornus, dit le marquis. Il m’en a coûté cinquante francs par tête.

— Ce qu’il y a de joli dans cette propriété de Morand, reprit Joseph, c’est que c’est tout rassemblé, c’est sous la main : votre château est planté là ; d’un côté les bois, de l’autre la terre labourable ; pas un voisin entre deux, pas un petit propriétaire incommode fourré entre vos pièces de blé, pas une chèvre de paysan dans vos haies, pas un troupeau d’oies à travers vos avoines. C’est un avantage, cela !

— Oui ! mais, vois-tu, si j’étais obligé par hasard de faire une séparation entre mon bien et celui qui m’est venu de ma femme, les choses iraient tout autrement. Figure-toi que le bien de Louise se trouve enchevêtré dans le mien. Quand je l’épousai, je savais bien ce que je faisais. Sa dot n’était pas grosse, mais cela m’allait comme une bague au doigt. Pour faucher ses prés, il n’y avait qu’un fossé à sauter ; pour serrer ses moissons, il n’y avait pas de chemin de traverse, pas de charrette cassée, pas de bœuf estropié dans les ornières ; on allait et venait de mon grenier à son champ comme de ma chambre à ma cuisine. C’est pourquoi je la pris pour femme, quoique du reste son caractère ne me convînt pas, et qu’elle m’ait donné un fils malingre et boudeur qui est tout son portrait.

— Et qui vous donnera bien de l’embarras si vous n’y prenez garde, voisin !