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son marquis de la tête aux pieds pour s’en emparer. »

Le marquis ne s’attendait guère à sa visite. Il assistait à un semis d’orge dans un de ses champs ; Joseph, en l’apercevant, fut surpris du changement qui s’était opéré dans ses traits et dans son attitude : la révolte et l’abandon d’André avaient bien porté une certaine atteinte à son cœur paternel ; mais son principal regret était de n’avoir plus personne à tourmenter et à faire souffrir. La grosse philosophie de tous ceux qui l’entouraient recevait stoïquement les bourrasques de sa colère ; l’effroi, la pâleur et les larmes d’André étaient des victoires plus réelles, plus complètes, et il ne pouvait se consoler d’avoir perdu ses triomphes journaliers.

Joseph s’attendait au froid accueil qu’il reçut ; aussi fit-il bonne contenance, comme s’il ne se fût aperçu de rien.

— Je ne comptais pas sur le plaisir de vous voir, lui dit M. de Morand.

— Oh ! ni moi non plus, dit Joseph ; mais passant par ce chemin et vous voyant si près de moi, je n’ai pu me dispenser de vous souhaiter le bonjour.

— Sans doute, dit le marquis, vous ne pouviez pas vous en dispenser… d’autant plus que cela ne vous coûtait pas beaucoup de peine.

Joseph secoua la tête avec cet air de bonhomie qu’il savait parfaitement prendre quand il voulait.

« Tenez, voisin, dit-il (je vous demande pardon,